Accueillir la souffrance n'est pas s'y complaire. Ce n'est pas aimer la souffrance pour elle-même.C'est consentir à en être humiliée. C'est s'ouvrir au bienfait de l'inévitable, comme une terre qui laisse l'eau du ciel la pénétrer jusqu'au fond. Il y a un art de souffrir, mais qu'il ne faut confondre ni avec l'art de cultiver la souffrance, ni avec l'art de l'éviter. Celui qui se prend en pitié et s'attendrit sur sa douleur, en perd aussitôt le bienfait.
Pareillement, celui qui se replie sur elle et met un goût pervers à en savourer l'amertume. Il ne faut, quand elle s'impose, ni repousser la souffrance, ni lui céder. Il ne faut ni lutter ni ruser avec elle. Il faut, sans complaisance, l'accueillir. Mais un tel accueil n'est jamais définitif. Aussi constitue-t-il le plus haut exercice de la liberté.
Henri de Lubac, Nouveaux paradoxes, le Seuil
La grande erreur, c'est de s'imaginer que ceux que la mort emporte nous quittent ; ils ne nous quittent pas, ils restent... nous ne les voyons pas, parce qu'un nuage obscur nous enveloppe, mais eux nous voient. Ils tiennent leurs yeux pleins de gloire arrêtés sur nos yeux pleins de larmes. Ce qui pourrait le mieux consoler ceux qui pleurent, c'est l'intuition claire, pénétrante, que par la mort, ils ne sont ni éloignés, ni même absents, mais vivants, près de nous, heureux, transfigurés et n'ayant perdu dans ce changement glorieux ni une délicatesse de leur âme, ni une tendresse de leur coeur, ni une préférence de leur amour.
D'après Mgr Bougaud
Voici que je me tiens sur le rivage de la mer.
Un navire appareille.
Il déploie ses voiles blanches à la brise du matin et cingle vers l'océan.
C'est là un objet de beauté, et je restais à le regarder jusqu'à ce qu'enfin, il s'efface à l'horizon, et que quelqu'un à mes côtés dise : « Il est parti ».
Parti où ? parti de ma vue, c'est tout.
Il garde la même taille, mâts, bastingage, et coque, que lorsque je le voyais, et il est tout aussi capable de porter son fardeau et son fret vivant à sa destination.
Qu'il diminue, qu'il échappe totalement à ma vue, voilà qui est en moi, pas en lui ;
Et juste au moment où quelqu'un dit à mes côtés : « il est parti », voici que d'autres le regardent venir et d'autres voix s'élèvent : « Le voici, il vient ».
C'est cela qu'on appelle mourir.
William Blake
Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,
Laissez-moi partir,
J’ai tellement de choses à faire et à voir
Ne pleurez pas en pensant à moi,
Soyez reconnaissants pour les belles années,
Je vous ai donné mon amitié,
Vous pouvez seulement deviner
Le bonheur que vous m’avez apporté.
Je vous remercie de l’amour que chacun m’avez démontré,
Maintenant, il est temps de voyager seul.
Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.
La confiance vous apportera réconfort et consolation.
Nous serons séparés pour quelque temps.
Laissez les souvenirs apaiser votre douleur,
Je ne suis pas loin, et la vie continue...
Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai,
Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là,
Et si vous écoutez votre coeur, vous éprouverez clairement
La douceur de l’amour que j’apporterai.
Et quand il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir.
Absent de mon corps, présent avec Dieu.
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer,
je ne suis pas là, je ne dors pas,
Je suis les mille vents qui soufflent,
Je suis le scintillement
des cristaux de neige,
Je suis la lumière que traverse
les champs de blé,
Je suis la douce pluie d’automne,
Je suis l’éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l’étoile qui brille dans la nuit,
N'allez pas sur ma tombe pour pleurer,
Je ne suis pas là,
Je ne suis pas mort.
(prière indienne)